Adama Aly PAM: à la rencontre de l’archiviste-paléographe

À la rencontre d’un SID est une série d’articles qui a pour but de faire découvrir les archivistes, documentalistes et bibliothécaires. Cette rubrique vise un partage d’expérience et d’expérience sur diverses thématiques. Dans ce numéro, nous allons à la rencontre de l’archiviste-paléographe Adama Aly PAM, directeur des Archives et Bibliothèques de l’UNESCO.

Adama Aly PAM, archiviste-paléographe, chef archiviste de l’UNESCO
Adama Aly PAM, archiviste-paléographe, directeur des Archives et Bibliothèques de l’UNESCO

Quel est votre parcours académique et professionnel ?

Parcours académique Adama Aly PAM

Archivinfos, mon parcours académique est classique. J’ai entamé des études d’histoire qui m’ont fait découvrir les archives nationales comme sources importantes pour la rédaction de mon mémoire de maîtrise. Cette rencontre avec les archives a été un moment de découvertes et d’émerveillements. C’est ainsi que j’ai décidé de passer le concours d’entrée à l’École des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes (EBAD).

J’ai eu la chance de réussir au concours d’entrée pour l’obtention d’une maîtrise en archivistique. Sorti major de ma promotion, j’ai eu une bourse d’études du Gouvernement français qui m’a permis de poursuivre mes études à l’École des Chartes à Paris (Sorbonne). J’y ai soutenu ma thèse me conférant le diplôme d’archiviste-paléographe en poche. J’ai également soutenu une thèse de doctorat de troisième cycle d’histoire à l’Université de Dakar.

J’ai fait plusieurs stages techniques en archives aux Archives nationales de France, à l’Institut Pasteur de Paris et aux Archives nationales de Québec à Sainte-Foy. L’idée était pour moi de vivre une tradition archivistique nord-américaine différente de ce qui se fait en France. Mais aussi, de me familiariser avec la forte tradition de la gestion des documents administratifs.

Parcours professionnel Adama Aly PAM

Mon diplôme en poche, je retourne au Sénégal. J’y ai commencé ma carrière aux Archives nationales du Sénégal et appris le métier auprès des ainés chevronnés. J’ai pendant un moment enseigné à l’École des Bibliothécaires Archivistes et Documentalistes (EBAD).

J’ai ensuite rejoint la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) comme fondé de pouvoirs. Et ce, dans le cadre du projet de modernisation des Archives et de la documentation de l’Institution régionale.

Parallèlement à mes activités professionnelles, je participais activement à la vie de la communauté professionnelle nationale. J’ai été membre du bureau exécutif de l’Association Sénégalaise des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes (ASBAD) avant d’assumer la présidence de 2007 à 2010.

Je continuais à participer aux colloques et ateliers professionnels au Sénégal et dans le monde. J’ai bénéficié d’une bourse du Gouvernement américain en 2010. Cette bourse m’a permis de participer au International Visitor Leadership Program (IVLP) consacré aux Archives et Bibliothèques.

En 2012 et 2013, j’ai bénéficié également des bourses du Conseil International des Archives et de l’UNESCO. Elles m’ont permis de prendre part à des conférences internationales en Espagne et au Canada.

La culture du milieu de la finance ne me convenait pas trop. J’ai alors décidé de rejoindre l’UNESCO où j’assume les charges de chef archiviste de l’organisation. J’ai la charge de la gestion de la mémoire institutionnelle (Archives historiques, Records management et Bibliothèque).

Je représente l’Institution dans les organisations comme :

  • International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) ;
  • International Council on Archives (ICA) ;
  •   United Nations System Electronic Information Acquisitions Consortium (UNSEIAC).

Par ailleurs, je mène aussi des missions d’assistance technique dans les États membres de l’UNESCO. Je les aide à définir des politiques de préservation et de valorisation du patrimoine.

Pourquoi avoir choisi cette profession ?

C’est en poussant un jour les portes des Archives nationales du Sénégal que le choix s’est imposé à moi. Ce fut dans le cadre des recherches pour mon mémoire de maîtrise en histoire. Il faut dire aussi que j’ai eu la chance de rencontrer un homme formidable, un professionnel qui a cru en moi.

 Le directeur des Archives du Sénégal, Monsieur Saliou Mbaye, archiviste paléographe qui m’a inspiré et fait aimer les archives. Il a aussi cru en moi, m’a soutenu et encadré tout au long de ma carrière.

Je crois que ma sensibilité à l’histoire et à tout ce qui touche le passé, le patrimoine m’a naturellement conduit à faire du métier d’archiviste un métier. J’en ai fait une vocation à partager avec les chercheurs un même champ d’action.

Chemin faisant, des questions beaucoup plus philosophiques m’ont conforté dans l’idée d’une mission de participation à la création d’une société plus juste. Une société plus juste par l’utilisation des archives comme moyens de :

  •  promotion des droits civiques,
  • accès à l’information administrative,
  • renforcement de la transparence de l’action publique, etc.

Dans le cadre d’une mission de l’Organisation des Nations unies pour le Développement (PNUD), j’ai participé à la mise en place d’un programme. Ce fut le programme de gestion et d’organisation des archives de la Commission de vérité et de réconciliation du Togo.

La commission avait essentiellement deux missions. D’une part, mettre la lumière sur 50 ans de violations massives des droits de l’homme au Togo. Et d’autre part, mettre en place les éléments d’une politique de réconciliation nationale.

Selon vous, quel est l’apport des archivistes à la société ?

Les archivistes sont des architectes qui construisent des ponts entre le passé, le présent et l’avenir. En tant que passeurs de mémoire, ils permettent aux sociétés de capitaliser les connaissances. Ils leur permettent aussi d’agir pour le présent et de renforcer l’identité des sociétés pour lesquelles, ils travaillent. Pour l’archiviste Adama Aly PAM, la conservation de la mémoire permet la conversation entre les morts et les vivants.

L’âme d’un peuple se fortifie à travers l’histoire, des traditions religieuses, des monuments et de toutes choses auxquels elle s’est attachée ou qu’elle a vivifiés. Le métier d’archiviste permet donc de construire et d’affermir l’identité des peuples. L’archiviste favorise l’efficacité de l’action des gouvernements et assure la transparence et l’accès à l’information.

À ceux qui me demandent ce que je fais en tant qu’archiviste, je réponds que je suis un banquier de la mémoire. L’information consignée aux Archives est un actif que je préserve, protège et valorise en le communiquant aux utilisateurs.

Adama Aly PAM, archiviste-paléographe, chef archiviste de l’UNESCO
Adama Aly PAM, archiviste-paléographe, directeur des Archives et Bibliothèques de l’UNESCO

Quel regard portez-vous sur le vandalisme des institutions du savoir en Afrique ?

Les Archives font partie de la nature du pouvoir en ce sens qu’elles affirment et légitiment celui-ci ! D’ailleurs, de son étymologie latin archivum, « résidence du magistrat », et du grec arkhe qui veut dire « commander, gouverner ou commencement’’ illustrent amplement le fait. De ce point de vue, elles font l’objet d’enjeux stratégiques.

Pendant les guerres, les pays conquis se voient leurs archives confisquées. À la fin de la période coloniale, beaucoup de colonies ont vu leurs archives transférées dans les pays des anciens colonisateurs. Plus près de notre époque, en 2003, l’Irak a vu une partie de ses archives confisquées.

En Afrique, à l’occasion des troubles politiques le feu est mis aux archives de l’État civil. Si l’on se penche sur les propositions de solutions, je dirai que les archivistes doivent :

  • mettre en place des dispositifs de gestion des risques (disaster prepardness plan, plan de mesures d’urgence) ;
  • mettre en place des programmes de gestion des archives essentielles ;
  • numériser et microfilmer les documents importants.

Il y a aussi le travail de sensibilisation des autorités administratives et du public sur l’importance des Archives. Ils doivent connaître l’importance des archives en matière de conservation de la mémoire nationale. Mais également, que les archives sont importantes dans la gestion des affaires publiques et de transparence de celle-ci.

Quel regard portez-vous sur les programmes d’enseignement en Afrique ?

Les programmes d’enseignement et de formation des professionnels en Afrique souffrent d’un manque d’agilité et de mise à jour des compétences. La question relative aux archives numériques et audiovisuelles et la faiblesse des enseignements du Records Management sont autant de faiblesse.

Il me semble également qu’il est nécessaire de pousser les recherches et les enseignements dans la connaissance de la pratique archivistique dans les sociétés africaines avant la pénétration coloniale. La faiblesse de la connaissance sur l’utilité sociale des archives fait que beaucoup d’archivistes abandonnent le métier pour d’autres professions.

Je pense qu’il faut aimer le métier et travailler à mettre à jour ses compétences en permanence. La meilleure manière d’y parvenir c’est de profiter de l’intelligence collective au sein de la profession. On apprend auprès des pairs. Les associations professionnelles sont un formidable levier d’apprentissage continu.

Vous ferez face à l’ignorance de beaucoup de décideurs.  Vous serez appelés quand il y a des urgences au moment de retrouver un dossier important et une fois le besoin satisfait, l’on vous ignorera.

Il ne faut pas pour autant céder au découragement. Il faut savoir que vous avez de l’or entre vos mains. Dépouillez les archives, publiez, donnez accès à l’information et valorisez le patrimoine qui est entre vos mains.  Pour cela, il vous faut être en permanence dans l’étude et la production.

Adama Aly PAM: mot de fin

Jules Michelet, historien et directeur des Archives de France en parlant des Archives a dit ces mots magnifiques : « Dans le silence apparent de ces galeries, qu’il y avait un mouvement, un murmure qui n’était pas de la mort. Ces papiers, ces parchemins laissés là depuis longtemps ne demandaient pas mieux que de revenir au jour. Ces papiers ne sont pas des papiers, mais des vies d’hommes, de provinces, de peuples ».

Les archivistes ont cet immense privilège d’être là où bat le cœur des sociétés ! Merci ArchivInfos

8 réflexions sur “Adama Aly PAM: à la rencontre de l’archiviste-paléographe”

  1. Avatar
    TAKOU MONIQUE LAURE

    C’est avec grande fierté et besucoup de satisfaction que je dévore ces propos d’un brillant professionnel que j’ai cotoyé à l’EBAD au Sénégal. Historienne à la base, je me sens encore plus revigorée en te lisant cher confrère. Je recommanderais volontiers aux jeunes professionnels de se mettre à ton école. Merci pour tout ce que tu as apporté et continue d’ailleurs à apporter á notre profession.

  2. Avatar
    YILYINGA Romaric

    Très enrichissant. Merci à Archivinfo qui nous permet de faire la connaissance des professionnel du métier

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